Médicaments : la marchandisation de la santé gagne du terrain...

Publié le par Ensemble à Gauche

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Une intervention très instructive de François Autain, Sénateur (MRC) de Loire-Atlantique et ancien Ministre sur la marchandisation du marché des autorisations de mise sur le marché de produits médicamenteux et ses conséquences dramatiques.
   
  
La subvention versée à l'agence francaise de securite sanitaire des produits de sante (AFSSAPS) baisse au fil des ans et ne représente plus aujourd'hui que de 8 % de son budget, ce qui ne couvre même pas les missions qu'elle doit accomplir pour l'État.

Elle doit donc compter sur l'autofinancement, au risque, donc, pour augmenter ses ressources, de multiplier les dossiers d'autorisation de mise sur le marché (AMM) en minimisant les conséquences possibles pour la santé et de négliger d'autres activités.

Des progrès ont été faits en matière de transparence, à laquelle l'AFSSAPS est tenue par la loi puisque la directive européenne de 2003 a été enfin transposée en France en février. Toutefois, si la publication des comptes rendus de la Commission d'autorisation de mise sur le marché est à jour, celle des comptes rendus de la Commission nationale de pharmacovigilance ne l'est pas, non plus que celle de la Commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion de recommandations sur le bon usage des médicaments.

Le contrôle des conflits d'intérêt touchant les experts auxquels l'AFSSAPS fait appel n'est pas mieux assuré que par le passé. Nous disposons cette année d'un luxueux fascicule de 235 pages présentant les déclarations d'intérêt des membres des conseils, commissions et groupes de travail ayant siégé en 2006, mais il ne contient aucune donnée susceptible de changer notablement la situation constatée par la mission sénatoriale. Sur 1 170 experts, 73 % ont des liens d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique, contre 68 % auparavant, 35 % sont en retard dans leurs déclarations, 10 % n'ont fourni aucune déclaration et les experts n'ayant aucun lien d'intérêt (20 %) sont toujours aussi peu nombreux.

Le directeur général de l'agence, dans son texte introductif, ne donne aucune information sur l'attitude adoptée par l'agence vis-à-vis des experts en infraction avec la loi sur les conflits d'intérêt. Les déclarations doivent être actualisées une fois par an ; à défaut, les experts défaillants sont provisoirement suspendus de participation aux commissions. On peut craindre que l'AFSSAPS persiste dans un laxisme qui fait peser doute et suspicion sur les travaux des commissions, sur l'indépendance de l'agence et sur la rigueur scientifique de ses décisions.

La sécurité sanitaire des médicaments n'est pas optimale : 134 000 personnes sont hospitalisées chaque année pour un accident lié à leur usage. En 2003, le professeur Lucien Abenhaïm, ancien directeur général de la Santé, indiquait dans son ouvrage sur la canicule que les effets secondaires des médicaments provoquaient 18 000 décès par an. C'est considérable. Ce fléau justifierait un plan d'action, d'autant que 40 à 60 % de ces accidents pourraient être évités. Et le bilan d'activité de l'AFSSAPS indique que le nombre de médicaments retirés chaque année du marché est faible, et même en diminution depuis 1999, alors que le nombre de notifications d'effets indésirables augmente.

Les mesures prises par l'AFSSAPS sont inadaptées. Ainsi, les spécialités à base de fluor ont été retirées du marché quatorze ans après les premiers signaux d'alerte et le Désuric, un médicament contre la goutte, l'a été huit ans après les premiers cas d'hépatites, parfois mortelles. Est-il compatible avec le principe de précaution que le Celebrex, un médicament de la famille du Vioxx, retiré de la vente, soit toujours commercialisé ? De nombreux médicaments interdits en Europe pour des raisons sanitaires ne le sont pas en France. La commission d'AMM de l'AFSSAPS prend très rarement l'initiative d'un retrait : elle préfère améliorer l'encadrement de la prescription, alors que celle-ci est favorisée par les visiteurs médicaux et les revues financées par l'industrie pharmaceutique, qui consacre chaque année 3 milliards d'euros à la promotion de ses produits.

Les plans de gestion des risques et les études pharmaco-épidémiologiques sont considérés comme les pivots de toute politique sanitaire en matière de médicament. Or, si on prescrit de plus en plus de médicaments, on réalise de moins en moins d'études. Les plans de gestion des risques pourraient perdre toute leur crédibilité et ne servir que de procédures purement formelles pour mettre sur le marché des molécules nouvelles qui n'auraient pu être autorisées sur la seule prise en compte des essais cliniques. Dans un domaine aussi sensible, le Gouvernement ne semble avoir ni la volonté ni les moyens de relever les défis auxquels le pays est confronté.
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B
rencontré il y des années Monsieur promotion des industries pharmaceutiques - un métier lucratif (et un homme que l'aisance rendait charmant)
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